Les criminalistes montréalais expérimentés dans les affaires d’extradition se grattent la tête après que la décision de la juge de district Vanessa Baraitser a rejeté la demande des États-Unis d’extrader le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, pour faire face à des accusations d’espionnage pour la publication de documents secrets américains il y a dix ans, affirmant qu’il l’était susceptible de se suicider s’il est détenu dans les dures conditions de détention aux États-Unis.

Le juge a rejeté l’argument plus large de la défense selon lequel les actions de M. Assange étaient justifiées eu regard à la protection constitutionnelle de la liberté de la presse.

Il convient de noter que le tribunal britannique a fondé sa décision sur la conclusion que l’extradition dans le cas de M. Assange serait «oppressive» dans les circonstances, ce qui est le même terme que l’on trouve dans la loi canadienne sur l’extradition, qui prévoit que le ministre de la Justice peut refuser une demande d’extradition dans le cas où la remise de la personne recherchée serait «… injuste ou oppressive».

Dans les affaires d’extradition au Canada la première étape du processus – la phase judiciaire – a une portée plus limitée: en l’absence d’allégation d’abus de procédure, le rôle du juge est uniquement de déterminer si l’exigence de double criminalité est remplie – c’est-à-dire si le comportement allégué constitue un crime grave dans les deux pays – et si l’État requérant dispose de preuves fiables équivalant à une preuve prima facie, tandis que la discrétion de ne pas renvoye  la personne recherchée pour extradition sur la base de facteurs politiques et subjectifs est laissée au ministre de la Justice.

L’affaire Assange fera sans aucun doute l’objet d’un appel et il sera intéressant de voir si les juridictions supérieures maintiennent la décision de refuser l’extradition en raison des graves conséquences prévues pour la personne recherchée. Il est difficile de prédire le résultat sans lire le jugement et étudier la loi britannique sur l’extradition, mais la plupart des criminalistes montréalais conviennent probablement qu’un tel jugement serait annulé par une cour d’appel canadienne.

Ce sentiment découle d’un certain nombre de décisions de la Cour suprême qui ont confirmé la décision d’extrader des Canadiens dans des circonstances où l’extradition semblerait à première vue «oppressive». Par exemple, l’extradition était approuvée lorsqu’une personne risquait une peine d’emprisonnement à perpétuité sans libération conditionnelle pour une infraction liée aux drogues aux États-Unis, et l’extradition d’une mère célibataire vers les États-Unis pour violation d’une ordonnance de garde concernant ses enfants a été confirmée par le tribunal. . Les cas d’extradition dans lesquels le bien-être des jeunes enfants serait affecté par l’absence d’un parent purgeant une longue peine dans des pays étrangers – généralement aux États-Unis – sont régulièrement approuvés par les tribunaux canadiens par respect des obligations internationales du Canada. En fait, en 1991 la Cour suprême a approuvé l’extradition d’une personne passible de la peine de mort dans l’État requérant, bien que le tribunal ait par la suite renversé sa position et refusé d’extrader une autre personne menacée d’exécution.

Ce n’est que dans les circonstances les plus extrêmes que les tribunaux ont refusé d’extrader pour des motifs humanitaires subjectifs. Le cas le plus connu s’est produit lorsqu’un procureur de l’État requérant – les États-Unis, bien sûr – a proclamé à la télévision que les Canadiens qui résistent à l’extradition seraient soumis à un traitement cruel à leur arrivée éventuelle.

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